Le thème du concours actuel me rappelle ce poème écrit il y a une dizaine d'années C'est donc le "moi" d'il y a dix ans
Si j’étais…
Si j’étais une fleur, je serais sur la dune,
Battu des vents du large, un œillet odorant,
De ceux qu’on ne voit pas, qu’on écrase en marchant…
Un animal ? Un chat, l’œil mi-clos, sous la lune
Et qui attend. L’objet ? Je serais une plume
Qui accroche en crissant la blancheur du papier,
De celles qui disaient en ces temps écoliers,
Mes rêves, mes chagrins, ma vie, mon amertume.
Un parfum ? Je serais, la discrète « Eau sauvage ».
Une couleur ? Je suis celle vague du Temps
Dont Peau d’âne rêvait dans un conte d’antan…
Un bruit ? Celui de l’eau qui meurt sur le rivage.
Un écrivain ? Rousseau, seul enfin sur son île,
Loin de la perfidie, du mensonge pervers.
Si j’étais musicien ? Ah ! Je serais Schubert
Et le mouvement triste et lent d’un cantabile.
Un peintre ? Je serais Cézanne. Une chanson ?
Sans hésiter, je suis la Chanson de Craonne,
La jeunesse qui meurt et le cri qu’on bâillonne,
Et si j’étais un mot, « Pourquoi ? » Une boisson ?
L’eau sans goût, sans odeur, qui coule entre les menthes.
Un fruit ? Assurément celui de la Passion.
Un film ? Antonioni et son « Cri », l’obsession
Et le long désespoir d’une errance démente.
Si j’étais un roman ? L’histoire d’une vie,
Quelques instants furtifs d’un présent ordinaire.
Si j’étais maladie ? L’Ennui de Baudelaire,
Et le regret constant d’un rêve inassouvi.
Ninon RJ