La demoiselle... pour un buste de Syl

            Syl, caresse l'argile, le jumeau un stylo

                                            La demoiselle du square


Les oiseaux perchés là semblaient la connaître
Tous les jours je m’enivrais de sa beauté silencieuse
Elle était belle et le sommeil donnait à ses traits purs
Une ineffable expression de langueur et de tendresse
Et ses lèvres à demi ouvertes frémissaient
Comme si elle voulait m’adresser de muettes paroles
Enhardi par le silence et la contemplation
Je lui déposai de la main un tendre baiser.
Les canards, plongeant dans l’eau tranquille
Firent quelques rides et saluèrent de cris joyeux mon départ.
Plus bouleversé que jamais je quittais le square.
Recevoir un regard engagé, et accepter d’y répondre, c’est risqué…
La séduction est une contamination par le regard !
On est à peu près sur de ce qu’on voit, jamais certain de ce qu’on regarde.
Plus tard dans la soirée… Je retournai au square !
Elle était toujours là dans la transparence bleuâtre de la nuit
On eût dit que ces yeux fixes ne regardaient que l’éternité et l’infini.
Quand je la quittai, ses prunelles noires flottaient au milieu de son iris bleu.
Et une étincelle de désir avait animé leurs disques sombres.
Elle m’enveloppait de son regard comme d’une caresse.
Le lendemain…Le gardien du square comme chaque matin m’attendait.
Vous allez être surpris me dit-il : « On a peint cette nuit les yeux de la Demoiselle,
L’œuvre d’un amoureux, d’une personne romantique certainement.
C’est vrai, qu’elle avait de la mélancolie dans ses grands yeux blancs ! »
Des badauds s’émerveillaient, d’autres le déploraient.
Sur la joue de la demoiselle, une larme bleue avait coulé !
Quelques jours plus tard, assis près d’elle, sur mon carnet, j’écrivais :
« Pourquoi les statues n’auraient-elles pas une âme, il y a tant d’humains qui n’en ont pas ! »