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 La lumière déchirée - 2

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Aralf
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Aralf


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MessageSujet: La lumière déchirée - 2   La lumière déchirée - 2 Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 14:14

Chapitre 1 (suite et fin)

Durant le vol-retour entre Zerdïa et la flotte, Paul d'Estel ne desserra pas les dents. De retour à bord du cuirassé, il fila directement au poste de commandement et donna des instructions à l'officier responsable du fret, pour les transactions avec Zerdïa. Ensuite, il se cala bien au fond de son fauteuil et demanda à l'ordinateur de le placer en visuel. Le casque se positionna, pivota, descendit sur sa tête et se moula parfaitement aux contours de son crâne et de son visage. Il sentit un instant le délicat contact des électrodes sensorielles sur ses tempes et sur son front; l'obscurité s'anima peu à peu. Un immense disque lumineux apparut d'abord, le soleil de Zerdïa, puis le croissant verdâtre de la planète et juste à sa droite le disque opalescent de son satellite. Les milliards d'étoiles vinrent ensuite, emplissant le vide d'un éclat argenté dans lequel dérivait lentement la flotte d'Estel. Les puissants croiseurs aux formes extravagantes, hérissés de batteries de canons énergétiques, percés de toutes part des bouches noires des lance-torpilles, surveillaient, vigilants, le ballet des navettes sortant sans cesse des soutes des cargos, trop lourds et trop grands pour se poser eux-mêmes sur une planète, et disparaissant ensuite dans la clarté de Zerdïa.
En tournant son regard il voyait l'Estel, son propre vaisseau, le plus puissant des cuirassés de la flotte, et un sentiment d'invincibilité emplissait son âme. Paul se sentait libre. Il laissa longuement ce regard artificiel vagabonder. Sa vue était parfaite; il pouvait fixer le soleil ou les proches étoiles sans être aveuglé, voir le moindre détail ou au contraire, sensation étrange, posséder un champ visuel de trois cent soixante degrés. Paul usait du visuel à chaque grave contrariété. Cela lui permettait de retrouver le calme et la sérénité. C'est ainsi qu'il avait procédé à la mort de son père. Il aurait pu refuser cette fonction, cela s'était déjà vu. Les officiers de la flotte auraient alors dû désigner un autre commandant. Ann étant trop jeune pour assumer valablement cette tâche, c'est vraisemblablement son cousin Jéshom qui serait devenu commandant. Jéshom était sans aucun doute un excellent officier, actuellement responsable du premier groupe de croiseurs, le plus exposé en cas de combat, mais Paul le jugeait trop orgueilleux. Ce jour-là, seul au milieu de l'espace, embrassant en un clin d'œil le monde de son père, sa famille, il avait su quel était son destin et n'avait plus jamais douté de la justesse de sa décision.
Milov posait quant à lui un tout autre problème. Paul aurait pu sans le moindre problème le débarquer de force sur Zerdïa, le laissant moisir sur ce monde attardé et pauvre, perdu sur une quelconque branche mineure de la galaxie. Il n'avait que faire d'une possible colère du Conseil de l'Union. Quand apprendraient-ils la nouvelle ? Les distorsions temporelles liées aux voyages hyperluminiques ne pouvaient lui donner aucune certitude. Les reproches du Conseil ne rattraperaient peut-être l'Estel que dans une ou deux générations et n'auraient de toute façon aucune incidence.
Non, en réalité et bien qu'il s'en cache, Paul admirait son courage. Milov venait de la vieille Terre où il avait laissé une famille avec la quasi-certitude de ne jamais la revoir. Même si aujourd'hui, Paul prenait la décision absurde de rallier directement la Terre, Milov n'y retrouverait personne de connu, ou alors peut être des amis devenus vieillards. Tout cela pour remplir une mission confiée par le Conseil. Oui, Paul admirait secrètement, presque avec superstition, ce courage que ni lui ni aucun membre de l'Estel n'aurait jamais. Mais cette attitude lui faisait peur. Quel genre d'homme pouvait accepter de se couper ainsi des siens. Paul, qui avait grandi dans la hantise de la séparation, du se faire violence pour se rappeler que Milov était un planétaire et que les principes régissant sa vie ne pouvaient être les mêmes. Mais malgré le respect qu'il portait à cet homme, il ne pouvait accepter l'attitude qui avait été la sienne sur Zerdïa.

Paul demanda à sortir du visuel; les lumières et les formes s'estompèrent. Paul sentit le casque s'assouplir et se soulever. À ses cotés, les officiers de quart surveillaient le déroulement des opérations. Tout vacillait, il avait encore au fond des yeux la lueur envoûtante des étoiles qui se superposait à la réalité. Il ferma les yeux quelques instants et attendit que le vertige se dissipe.
- Convoquez Milov, le gars du Conseil. Dans ma cabine, immédiatement.

Paul sortit du poste de commandement pour se rendre à sa cabine qui se trouvait à deux pas. À son approche, la porte se dilata, mais alors qu'il allait la franchir sa sœur l'interpella:
- Je reviens de chez Milov, il est furieux de la façon dont tu l'as traité sur Zerdïa
Mais Paul n'avait pas envie de discuter avec elle. Il poursuivit son geste, se retournant juste avant la contraction de la porte:
- Ne te mêle pas de ça, Ann. Si ce Milov veut rester à notre bord, il devra en respecter les lois. Je le lui dirais très clairement dans quelques instants ...

Lorsque Milov se présenta, il semblait calme, serein; comme un homme qui a volontairement ravalé sa rancœur pour s'en tenir à des arguments rigoureux, sans laisser ses sentiments le dépasser.
- Je vous remercie de m'avoir convoqué, je souhaitais de toute façon vous rencontrer.
- Tant mieux pour vous, mais ce que j'ai à vous dire risque fort de ne pas vous satisfaire. Comment vous appelez vous ?
- Je vous demande pardon, Commandant ?
- Vous m'avez bien compris. Quel est votre nom ?
- Milov Ezérian ...
- Faux ! Ezérian n'existe plus. C'était juste le nom d'un planétaire, lié à l'existence d'une famille. Or cette famille n'existe plus. Combien de dizaines d'années ont bien pu s'écouler sur votre vieille Terre durant ces quelques mois d'absences et de voyages hyperluminiques. Sur Hexter, lorsque vous avez demandé à embarquer avec nous, vous aviez déjà trop voyagé pour pouvoir espérer revoir les vôtres. En mettant le pied à bord de l'Estel, vous avez définitivement perdu votre nom. Ezérian n'est plus qu'un souvenir anachronique; vous n'êtes plus que Milov de l'Estel. La seule famille à laquelle vous pouvez prétendre appartenir est constituée par tous ceux et celles qui vivent sur ces vaisseaux, qui en voyageant de façon coordonnée restent unis dans le même cycle temporel. Une famille reste unie par la nécessité même de sa survie; elle parle donc d'une seule voie, la mienne ! En prenant la parole devant l'Elshal sans mon accord, vous avez trahi cette règle et avez sali notre nom ...
- Je comprends votre colère, Commandant. Mais l'unité de vos familles risque rapidement de devenir une illusion si comme le pense le Conseil de l'Union, une menace extragalactique pèse sur nous tous.
- Foutaises ! Je croyais vous avoir déjà donné mon avis sur la question.
- Vous m'avez toujours écouté d'une oreille distraite. Les faits sont pourtant incontestables et les exemples se multiplient. Quand admettrez-vous enfin que les données collectées par le Conseil ces dernières années ont une valeur ?
- Votre idée de menace extragalactique ne tient pas debout. Même en vitesse hyperluminique, il faudrait des centaines d'années pour franchir le vide intergalactique; le décalage temporel à la sortie d'un tel périple serait incommensurable.
- Les théories sur l'Ansible ...
- N'ont jamais abouties concrètement. L'Hyperespace n'existe que dans de magnifiques modélisations mathématiques, enseignées dans toutes les bonnes académies de science. Mais toutes les voies de recherche ont conduit à une impasse!
- Dans les premiers siècles de la conquête spatiale, aucun scientifique ne croyait à la possibilité de franchir la vitesse de la lumière. Jusqu'à ce que Jason Woo construise son premier moteur.
- Je vous remercie de ce cours d'histoire, mais je connais l'histoire spatiale aussi bien que vous et celle de votre propre planète peut-être mieux encore ...
- Excusez- moi Commandant, mais je croyais que les spatiaux ne s'intéressaient qu'à leur famille et à leur monde clos. Vous admettrez donc qu'il n'y a rien d'impossible et qu'une autre civilisation a peut-être réussi à utiliser l'Ansible, là où nos propres savants ont échoué.
- Ce ne sont que de vagues suppositions.
Paul se dirigea vers la console et lui commanda deux verres d'un cocktail épicé de sa propre composition. Il en tendit un à Milov et poursuivit :
- Asseyons nous, nous serons aussi bien. Hormis débiter vos balivernes, Milov, ne croyez-vous pas qu'il serait temps pour vous de me dévoiler votre véritable mission et les objectifs du Conseil ?
Avant de répondre, l'émissaire prit le temps de savourer la boisson. Il en but lentement une longue gorgée, les yeux mi-clos, comme pour trouver davantage de détermination dans la puissance des arômes.
- Le Conseil de l'Union a jadis été conçu pour centraliser le gouvernement et coordonner les efforts humains durant la conquête de la galaxie, en évitant autant que possibles les conflits.
- Milov je vous en prie, cessez ces banalités, allez au fait !
Mais il poursuivit impassible sa démonstration :
- Peu à peu, et notamment du fait de l'immensité de notre galaxie, des distorsions temporelles, et de l'avènement des grandes familles, l'influence du Conseil a faibli. Les spatiaux ont ainsi récupéré le pouvoir militaire et financier, avec les conflits que nous connaissons tous et qui aujourd'hui encore jettent certaines familles les unes contre les autres. Le système a évolué comme il a pu, mais la menace que nous avons décelée et que nous prenons très au sérieux, remet en jeu toute ce schéma. L'humanité n'est pas prête à résister à une agression extérieure. Nous sommes trop désorganisés.
Paul d'Estel se leva du fauteuil dans lequel il s'était installé :
- Seriez-vous en train de me dire, que sur la foi de théories de pure fiction, simplement basées sur quelques carcasses dérivant dans l'espace, je devrais remettre les commandes de l'Estel et de toute la flotte de ma famille à ces incapables du Conseil ? À moins que vous-même ne soyez là pour ça ! Dites- moi que j'ai mal compris, vous n'avez tout de même pas fait un tel voyage pour cette farce !
- Vous allez trop vite en besogne. Nul ne songe à usurper votre commandement ... simplement votre mode de vie n'est pas adapté au péril qui nous menace. Les Familles se déplacent à travers la galaxie de façon erratique. Vos vaisseaux assument plus de quatre-vingt pour cent des transports de marchandises et de matières premières. Ce quasi-monopôle, lié à votre puissance militaire, plonge régulièrement des portions entières de la galaxie dans des crises économiques gravissimes, simplement parce que les hasards de vos déplacements n'y conduisent aucune Famille durant plusieurs années. Sur un plan strictement militaire, c'est exactement pareil. La galaxie est un véritable gruyère ... Certaines familles, je vous le concède mineures, ont déjà accepté de se voir affecter un secteur bien précis, avec des routes commerciales fixes et définies. Ces familles ont un système planétaire de base, où un officier du Conseil sert de coordinateur, pour que la famille assure la surveillance et la protection de son secteur.
- Assez Milov ! J'en ai assez entendu pour aujourd'hui. Regagnez votre cabine. Je ne vous ferais pas l'affront de vous débarquer sur Zerdïa, parce que c'est un trou pourri. Mais à la prochaine escale, nous serons sur une route plus fréquentée et je vous y déposerais avec plaisir.
Tout en parlant, Paul s'était approché de la porte et son visage était suffisamment expressif pour que Milov n'éprouve aucune envie de poursuivre. Il sortit sans un mot de plus.

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