La grand-mère de porcelaine

La grand-mère de porcelaine

La vie bruisse dans les feuillages à gauche de la fenêtre
Où Mamy s’abreuve de la journée qui finit.
Le soir  a perdu ses teintes rosées
Est-il tard ? Le ciel devient lumineusement gris.
Qu’importe ! Les minutes ce ne sont que des gouttes
Qui tombent une à une d’un réservoir infini, appelé temps.
La porte s’ouvre...
Mamy se penche un peu pour ne plus voir
Que le gravier faiblement blanc sous la lumière d’un lampadaire proche.
Des pas feutrés vont et viennent dans son dos
Qu’elle fait gros de crainte d’être dérangée.
Enfin, elle se redresse, doucement.
Elle semble flotter dans la pièce sous le regard
Presque tendre de la jeune femme habillée de blanc.
Celle-ci lui tend un verre et deux cachets bleus
Les comprimés du rêve.
La jeune femme la regarde boire.
Quand c’est fini, elle l’entraîne gentiment
Vers une petite table de bois peinte en blanc.
Chaque soir, à la nuit, elle s’assied et attend
Que lui soit apporté son  manuscrit.
Un volumineux catalogue de vente par correspondance !
Mamy l’ouvre avec avidité et tout de suite elle murmure
Tandis que ses doigts frêles ponctuent son monologue
De petits coups d’ongles sur le papier.
L’infirmière sait que cela durera tant que les somnifères ne feront pas leur effet.
Dans une heure environ, elle pourra revenir
Et porter sans peine ce fardeau léger jusqu’au lit.
Ce soir, elle attend.
Mamy ne lui prête aucune attention, oubliant visiblement sa présence.
L’infirmière la regarde en songeant aux facéties de la vie
Qui brisent tant de destins heureux.
Mamy s’est mariée à vingt ans et sans doute, était-elle très jolie
Elle est si fine aujourd’hui encore que tout le monde l’appelle :
« La grand-mère de porcelaine ».
Comme chaque soir, Mamy s’est endormie doucement.